Méthode d'évaluation d'un risque parcellaire pour la contamination
des eaux superficielles par les pesticides.
P. Aurousseau (1), C. Gascuel-Odoux (2), H. Squividant (1)
(1) ENSAR, Laboratoire de Spatialisation Numérique, 65 Route de Saint-Brieuc, 35042 Rennes Cedex
(2) INRA, Unité de Science du Sol et de Bioclimatologie, 65 Route de Saint-Brieuc, 35042 Rennes Cedex
Nous remercions l'Agence de l'Eau Loire-Bretagne qui a financé
cette étude dans le cadre d'un contrat de recherche. Nous
remercions les experts qui ont été consultés lors
du lancement de ce programme (Tableau 4). Nous remercions
également Frédérique Simon qui a réalisé
son mémoire de fin d'étude dans le cadre de ce programme.
1. Résumé
2. Introduction
3. Matériel
4. Méthode
5. Résultats
6. Discussion
7. Conclusion
8. Bibliographie
Liste des tableaux
Liste des figures
Pour évaluer un risque parcellaire de contamination des eaux superficielles
par les pesticides la méthode proposée suit les étapes
suivantes : (1) identification des facteurs de risque. Cette liste de facteur
a été proposée et validée après avoir
consulté vingt-neuf experts régionaux et nationaux ;
(2) chaque facteur de risque est traduit en un critère mesurable
à l'échelle de la parcelle. Plusieurs critères sont
évaluables directement sous système d'information géographique
en utilisant simultanément des données d'occupation du sol,
des données parcellaires et un modèle numérique de
terrain ; (3) chaque facteur est subdivisé en deux, trois ou
quatre modalités. Les seuils permettant de définir les modalités
du facteur de risque ont été choisis en s'appuyant sur l'avis
des experts ; (4) la technique de combinaison des facteurs de risque
qui a été choisie est une technique hiérarchique de
rang, la méthode SIRIS, déjà utilisée pour
classer les molécules de pesticides.
Les facteurs de risques, les seuils et les modalités retenus ont été choisis en tenant compte du contexte régional de l'étude et en privilégiant les mécanismes de contamination des eaux de printemps et de début d'été qui se produisent principalement par ruissellement après les désherbages du maïs. Cette technique a été appliquée sur plusieurs bassins versants à la demande de l'Agence de l'Eau Loire-Bretagne. Dans cette article nous présentons une mise en oeuvre sur la partie aval du bassin versant de l'Aulne en couplant des données d'occupation du sol obtenues par traitement d'images satellitaires et un modèle numérique de terrain à pas de 20 mètres. La méthode d'évaluation des risque utilisée met en oeuvre cinq facteurs de risque renseignés automatiquement par système d'information géographique : distance hydraulique de la parcelle au réseau hydrographique, pente de la parcelle, longueur de la parcelle dans le sens de la pente, protection par une zone concave, protection aval par une culture minimisant le ruissellement. Les rangs de risque finaux calculés par la méthode SIRIS sont ensuite partagés en quatre classes de risque qui sont visualisés dans le système d'information géographique.
Cette méthodologie est aisément applicable à d'autre contextes régionaux et à d'autres mécanismes de contamination à condition de réexaminer les facteurs de risque, leur hiérarchie et le choix des modalités.
Mots-clés : Modèle Numérique de Terrain,
réseau de drainage, pesticide, indice de risque
SUMMARY
Key-words : digital elevation model, hydrographic network, pesticide, risk index
Des contaminations importantes des eaux superficielles par les pesticides
sont de plus en plus fréquemment observées. Ainsi, le ministère
français de la Santé (1994) a publié des résultats
d'analyses des teneurs en atrazine de 6773 eaux d'origine diverse échantillonnées
en 1991. Les analyses montrent que 37% des eaux brutes et 25% des eaux
distribuées contenaient plus de 0,1mgl-1
d'atrazine et que 1,2% de la population suivie avait reçu de l'eau
contenant plus de 2mgl-1 (In Barrioso et al.,
1996). Cette contamination a pour partie et pour certaines molécules
une origine agricole (Schiavon, 1995). La gravité de cette situation
requière la mise au point d'outils de diagnostic et de décision
pour mieux gérer l'espace agricole. Il faut d'une part identifier
et hiérarchiser les facteurs de risque liés au milieu physique
et aux situations culturales pour mieux localiser les zones sensibles.
Il faut d'autre part proposer des solutions adaptées à un
niveau de risque estimé.
Ces outils de diagnostic des situations sensibles dépendent des
échelles d'espace, en relation notamment avec la disponibilité
des informations. Par exemple, à l'échelle régionale,
l'objectif est de hiérarchiser des bassins versants en fonction
des caractéristiques climatiques, pédologiques et des systèmes
de culture (BRGM, 1975-1979; Hollis, 1990, Aurousseau et al. 1996). Sur
des bassins versants de quelques centaines d'hectares à quelques
dizaines de km², ces paramètres sont généralement
considérés comme homogènes ou ne sont souvent pas
connus. C'est le cas général des constituants du sol, notamment
de la teneur en matières organiques qui joue cependant un rôle
important dans la rétention et la biodégradation des molécules.
A cette seconde échelle, c'est un risque parcellaire que l'on cherche
à définir. Celui-ci dépend de l'occupation du sol,
des itinéraires techniques suivis et de la position de la parcelle
vis à vis du réseau hydrographique. L'objectif est alors
de fournir une aide à la décision quant à l'assolement
des cultures dans le bassin versant et la recherche d'itinéraires
techniques adaptés. Cette seconde échelle est essentielle
car de nombreux travaux montrent en effet que les fortes contaminations
des eaux par les pesticides ne sont pas liées de façon diffuse
à l'ensemble de l'espace agricole, mais à quelques secteurs
ou parcelles (Squillace and Thurman, 1992; Gillet et al., 1995).
C'est à cette seconde échelle et dans ce cadre que se situe
ce travail.
Les outils de diagnostic présentés ici sont basés
sur les processus traitant du devenir des pesticides sans toutefois les
traiter par un modèle déterministe. En effet ce type de modèle
ne prend souvent pas en compte la complexité spatiale et temporelle
de l'espace rural, de l'activité agricole et des aménagements
anthropiques : contour parcellaire, drainage, haies...- qui déterminent
de façon importante les conditions de propagation des pesticides
le long des versants. C'est pourquoi les outils de diagnostic présentés
ici partent au contraire d'une analyse spatiale détaillée
de l'espace qui est complétée au niveau des processus par
des dire d'expert. C'est en ce sens une démarche empirique : des
facteurs de risque de contamination des eaux superficielles sont identifiés
et hiérarchisés pour un contexte agronomique et hydropédologique
donné. Cette démarche permet ainsi une simplification considérable
des processus à prendre en compte pour mieux s'adapter au contexte
d'étude. Les outils de diagnostic mis en oeuvre peuvent cependant
être transposés à d'autres situations pédoclimatiques
à condition d'analyser à nouveau la pertinence et la hiérarchisation
des facteurs retenus.
Cet article expose une méthode d'estimation du risque parcellaire de contamination des eaux superficielles, au sein de bassin versant de taille allant de quelques centaines d'hectares à quelques milliers d'hectares. Cette méthode n'aborde que le classement des parcelles selon leur configuration géographique au regard des caractéristiques du milieu. Elle est fondée sur le même formalisme que la méthode SIRIS développée pour le classement des molécules (Vaillant et al., 1995). Cette méthode de rang est appliquée dans le contexte agronomique et hydrologique de la Bretagne pour fournir une estimation du risque parcellaire pour la contamination des eaux superficielles (France).
31. Contexte hydropédologique et agricole
Dans le contexte hydropédologique de la Bretagne, et dans une première
approche traitant des risques de fortes contaminations des eaux par les
pesticides suite aux traitements, l'intérêt d'une spatialisation
des processus de transferts, notamment de l'occurrence d'écoulements
rapides, paraît prioritaire par rapport à une spatialisation
des processus biogéochimiques d'adsorption et de dégradation
liés plutôt aux constituants, aux états hydriques et
biogéochimiques du sol.
Du point de vue hydropédologique, la Bretagne présente un
réseau hydrographique dense, de 0,7 km/km² à l'échelle
des bassins versant d'ordre 1 (Crave et Davy, 1996) En fait
ce chiffre recouvre de fortes variations. La densité du réseau
hydrographique va de 0,5 km/km2 dans le Bassin de Rennes à 1,5 km/km2
dans les régions les plus arrosées de l'Ouest de la Bretagne
(Aurousseau, travaux personnels non publiés). A ce réseau
naturel s'ajoute un important réseau de fossés. Les zones
humides sont très présentes en relation avec un substrat
de faible perméabilité (schiste et granite) observable à
faible profondeur. Ces zones sont présentes dans deux types de position
dans les bassins versants. Elles sont le plus souvent riveraines au réseau
hydrographique et correspondent à des sols lessivés dégradés
de faible perméabilité qui conduisent en période de
crue à des transferts latéraux rapides de subsurface (Curmi
et al., 1995). Ces zones humides riveraines du réseau hydrographique
représentent de 10 à plus de 15% de la surface des bassins
versants. Ces zones humides peuvent être aussi présentes sur
les versants ou en haut de topographie. Elles ont alors souvent été
soumises à des drainages agricoles
Dans ce contexte hydrologique, la position relative des parcelles vis à
vis du réseau hydrographique est importante. Celle-ci peut-être
exprimée simplement en terme de distance géographique, ou
en terme de distance hydraulique ou encore en tenant compte si possible
des structures hydrographiques anthropiques (drains, fossés)
qui assurent une liaison artificielle mais rapide et directe de la parcelle
vers le réseau hydrographique. De même, la forme du versant
et les aménagements à proximité du réseau hydrographique,
ou entre la parcelle et le réseau tels que la présence de
zones filtrantes ou de haies sont essentiels.
La Bretagne est par ailleurs une région d'élevage intensif
qui a connu un considérable développement depuis quelques
décennies. Ce développement de la production animale s'est
accompagné d'une modification des systèmes de cultures. La
culture de maïs, et en particulier le maïs ensilage, pivot de
l'alimentation animale s'est considérablement étendue. Cette
culture couvre actuellement 450 000 ha, soit près du quart de la
SAU, dont un cinquième en monoculture. Cette culture est considérée
comme une culture à risque pour la contamination des eaux (Gillet
et al., 1995; Gascuel-Odoux et Heddadj, 1998a et b). Elle est sensible
au ruissellement compte tenu de son faible recouvrement végétal
(de 70 à 80% à son maximum de développement, durant
deux mois par an si l'on considère le cas de la monoculture de maïs).
L'application des herbicides, entre mai et juin, coïncide avec une
période où l'occurrence d'averses de forte intensité
sur sol nu conduit à des risques de ruissellement hortonien. Dans
ce contexte, la géométrie (importance et localisation des
parcelles de maïs) de la sole de maïs semble également
jouer un rôle essentiel. Ce risque est d'autant plus accentué
que les sols, en Bretagne, sont des sols limoneux, de teneur en matières
organiques variables, allant de moins de 2% de matières organiques
dans l'Est de la Région à plus de 7% dans l'Ouest (Leleux
et al. 1988, Walter et al. 1996). Ils peuvent donc être sensible
à la battance (Gascuel-Odoux et al., 1996).
A ces modifications de l'occupation du sol s'ajoutent des évolutions
des structures paysagères. C'est le cas du réseau de haies
qui a été pour partie arasé et ce de façon
très variable à l'échelle de la Bretagne : 200 000
km de haies ont disparu en un demi siècle lors du remembrement des
terres agricoles. Or ces haies jouent un rôle important dans l'infiltration
des eaux de ruissellement (Mérot et al., 1998) et le dépôt
des sédiments. Elles peuvent ainsi contribuer à limiter les
contaminations des eaux par les pesticides.
32. Données
321. Le réseau hydrographique
Le réseau hydrographique est obtenu par numérisation des cartes topographiques au 1/25 000. Il est en mode vecteur. C'est un réseau permanent. Il peut être complété par le réseau obtenu par traitement du Modèles Numériques de Terrain (MNT), soit pour compléter un chevelu fin du réseau jugé mal représenté dans les cartes topographiques, soit pour corriger des erreurs ou des omissions manifestes (citation Ingenieries EAT). On peut y adjoindre, lorsqu'un relevé spécifique existe, le réseau de fossés qui n'est pas représenté sur ces cartes topographiques. On subdivise habituellement ce réseau de fossés en distinguant les fossés où l'eau stagne (que l'on nomme sous une appellation condensée “fossés stagnants”) et les fossés où l'eau circule (que l'on nomme sous une appellation condensée “fossés circulants”). Dans une première approche présentée ici, on ne considérera que le réseau hydrographique représenté sur les cartes topographiques.
322. Le MNT
Les MNTs utilisés ont été extraits du MNT régional qui couvre l'ensemble de la Bretagne au pas de 20 mètres et comprend 135 millions de noeuds. Ce MNT a été établi à partir des images SPOT et acquis auprès de l'ISTAR, filiale de SPOT Image. Pour les bassins versants dont la surface est comprise entre 500 et 10 000 hectares, le pas de 20 mètres a été gardé. Pour les bassins versants de plus grande surface, entre 10 000 et 100 000 hectares, ce MNT a été dégradé au pas de 40, en retenant régulièrement un noeud sur quatre. Ce MNT a été utilisé pour établir l'arbre de drainage et calculer les différents paramètres topographiques dérivés.
323. L'occupation du sol
L'occupation du sol est issue d'une classification d'images satellitaires.
Il s'agit selon les cas d'images multispectrales SPOT ou Landsat Thematic
Mapper (LTM). Deux séries d'images, une d'hiver et une série
d'été, sont en général requises pour l'identification
de certaines cultures. La techniques de traitement utilisée est
de type classification supervisée. Les classes d'occupation du sol
reconnues sont les suivantes : maïs, céréales à
paille, prairies permanentes ou temporaires, surface inondées, surface
imperméabilisées, bois. Dans le travail présenté
ici, cette information a été fournie par le Laboratoire COSTEL
(Université de Rennes II). Compte tenu de la résolution des
images traitées, respectivement de 20 mètres avec SPOT et
de 30 mètres avec LTM, le pixel des images classées a été
fixé à 20 mètres. L'image finale est rectifiée
et projetée sur le MNT (Figure 1).
Avec cette résolution des images de télédétection
certaines identifications posent problème :
41. Identification et hiérarchisation des facteurs. Choix des critères et des bornes.
Dans le contexte agricole et environnemental de la Bretagne tel qu'il a
été rappelé, différents facteurs ont été
retenus et hiérarchisés. Des experts ont été
consultés lors du lancement de ce programme pour confirmer ces choix
(Simon, 1994). Ces facteurs sont présentés dans la suite
du texte selon leur ordre d'importance décroissante. Ils ont été
traduit en critères qui permettent leur évaluation quantitative.
Ces critères ont ensuite été partitionnés en
classes. Selon les cas, deux, trois ou quatre classes maximum ont été
choisies par critère.
Trois grands groupes de facteurs ont été considérés.
Le premier groupe comprend deux facteurs liés aux écoulements
rapides, que l'on considère l'écoulement de surface ou de
subsurface, en prenant en compte (1) la distance hydraulique de la parcelle
au cours d'eau et (2) l'existence éventuelle d'un drainage agricole
artificiel. Le second groupe évalue spécifiquement les risques
de ruissellement et d'érosion dans le versant par : (3) le gradient
et (4) la longueur des parcelles dans le sens de la pente. Le troisième
groupe évalue les possibilités d'infiltration et de dépôt
en aval d'une parcelle donnée, en prenant en considération
: (5) la forme de la pente, (6) l'occupation du sol ou (7) la présence
d'une haie en aval de la parcelle considérée.
Les critères, leur mode de calcul et leur séparation en classe
sont les suivants :
1 · La distance au réseau hydrographique est estimée en prenant en compte la distance entre le bas de la parcelle considérée et le réseau hydrographique. Il s'agit de la distance hydraulique calculée à partir du chemin de l'eau selon l'arbre de drainage établi à partir du MNT. Quatre classes sont considérées, avec les bornes suivantes : 1) nulle; 2) inférieure à 50 mètres; 3) entre 50 et 200 mètres; 4) supérieure à 200 mètres. Cette répartition prend en compte : la contiguïté au cours d'eau, les parcelles étroites et en lanière de bord de cours d'eau que ce soient des dispositifs enherbés ou des prairies, les parcelles de mi-versant, les parcelles de plateau.
2 · La présence ou non d'un drainage agricole est traduite selon deux modalités de présence ou absence. En effet de nombreux travaux montrent l'importance des drainages agricoles artificiels sur la contamination directe et rapide du réseau hydrographique par les pesticides (Wauchope, 1978).
3 · Le gradient de pente est considéré en prenant en compte comme critère, la moyenne des pentes de la parcelle, les pentes étant calculées au pas du MNT. Trois classes ont été retenues avec comme bornes intermédiaires 3 et 5%, correspondant à des seuils en terme de vitesse critique d'arrachement des particules (Poesen, 1984).
4 · La longueur de la parcelle, calculée dans le sens de la pente, intervient également sur les vitesses de ruissellement et donc sur l'arrachement des particules de sol. Elle donne également une indication sur l'importance de la surface contributive traitée. Des seuils intermédiaires de 50 et 150 mètres, correspondant respectivement à des parcelles de petite, moyenne et grande tailles dans le contexte étudié, ont été adopté.
5 · La forme de la pente entre la parcelle et le réseau hydrographique est prise en compte en considérant comme critère la concavité de la parcelle ou la présence d'une zone concave en aval de la parcelle considérée. On évalue ainsi les possibilités d'infiltration ou de sédimentation en bas de versant, à la faveur d'une rupture de pente, comme c'est le cas dans les profils de pente convexo-concaves généralement rencontrés. Trois classes ont été considérées : la parcelle a une forme concave ; elle est protégée à l'aval par une zone de forme concave sur le chemin hydraulique entre le bas de la parcelle et le réseau hydrographique, ou elle n'est pas protégée par une telle zone concave.
6 · Dans le même axe visant à évaluer les possibilités d'infiltration et de dépôt à l'aval de la parcelle considérée, l'occupation du sol en aval de la parcelle est prise en compte. Le critère retenu est la longueur du chemin hydraulique à l'aval de la parcelle correspondant à une occupation du sol considérée comme favorable à l'infiltration de l'eau : ici prairies et bois. Trois modalités ont été retenues, avec comme bornes intermédiaires 50 et 150 mètres.
7 · Toujours dans cet axe, la présence d'un talus associé
à une haie en aval de la parcelle est un facteur retenu, avec deux
modalités de présence ou absence.
Le tableau 1 présente d'une façon synthétique ces sept facteurs de risque, leurs modalités et leurs codifications. Dans cet article, nous présentons à titre d'illustration les résultats obtenus avec une méthode simplifiée prenant en compte cinq parmi les sept facteurs de risque cités : 1, 3, 4, 5, 6.
42. Méthode de combinaison des facteurs et spatialisation
Une fois les critères et les intervalles de classes choisis pour
chacun des facteurs de risque, la question qui se pose est celle du choix
de la méthode de combinaison ou de conjonction des facteurs. De
nombreuses méthodes existent. Le plus souvent, la méthode
utilisée est la plus simple, c'est la méthode de pondération
ou l'arbre de décision. La méthode de pondération
a été écartée car elle pose le problème
délicat du choix des coefficients de pondération. L'arbre
de décision prend à l'opposé pas en compte le problème
du rôle de la conjonction des facteurs.
Nous avons fait le choix d'utiliser une méthode de rang, utilisée
par les Ministères Français de la Santé, de l'Environnement
et de l'Agriculture pour le classement des molécules : la méthode
SIRIS (Vaillant et al., 1995). Cette méthode transforme des
critères de décision quantitatifs ou qualitatifs, en variables
qualitatives ordonnées. Cette stratégie ne limite donc pas
l'information aux seules variables quantitatives. L'agrégation de
différents critères est possible quelle que soit la nature
des critères. On procède ensuite à un classement des
critères par ordre de risque et à un choix de classes également
rangées par ordre d'importance. Aux modalités défavorables
sont attribuées des pénalités dont le total conduit
à un rang sur une échelle de risque. La conjonction de modalités
défavorables amplifie ainsi la pénalisation. Cette graduation
des risques suit donc des règles logiques simples. Cette simplicité
est un gage de flexibilité pour tester la sensibilité du
modèle aux différents facteurs ou pour l'adapter à
d'autres contextes, soit différents ou soit mieux informés.
On peut alors ajouter ou choisir d'autres facteurs, modifier leur hiérarchisation,
changer les critères ou les classes. Cette simplicité correspond
aussi à l'imperfection des connaissances actuelles sur les processus
de transfert des pesticides : une évaluation plus sophistiquée
comprendrait sans doute aussi une part d'arbitraire plus importante.
Cette méthode a été appliquée à plusieurs bassins versants de Bretagne. Nous ne présentons ici que les résultats relatifs à la partie aval du bassin versant de l'Aulne dans la région de Chateaulin. Dans la base de données sous SIG, un identifiant est attribué à chaque parcelle. Il lui est aussi attribué une classe d'occupation du sol par importation des données d'occupation de sol dans le MNT (figure 1). Un premier module informatique a pour charge de calculer les critères correspondant aux facteurs de risque. Un deuxième module, indépendant du premier, a pour charge de calculer la note finale, c'est-à-dire le rang SIRIS de chaque parcelle. Une procédure d'interrogation parcelle par parcelle est disponible au niveau du logiciel. Elle permet d'afficher les valeurs des différents critères (figure 2). L'étendue des rangs SIRIS est ensuite partagé en quatre classes, correspondant à quatre niveaux de risque des parcelles de maïs (figure 3). Les notes de rang SIRIS s'étendent en théorie de 0 à 226, pour le cas traité ici comportant cinq facteurs de risque avec 2, 3 ou 4 modalités. La parcelle qui présente, dans le cas d'étude, le risque le plus grand a une note SIRIS de 130. En effet dans le contexte du bassin versant de l'Aulne, les parcelles les plus à risque ne combinent pas simultanément tous les facteurs de risque. Les parcelles collées au réseau hydrographique se trouvent dans une situation de pente faible et en zone concave. Leur rang est alors du type D0d0d et leur note SIRIS de 130 (parcelle type 2 du tableau 3).
On peut constater que les rangs SIRIS des parcelles de maïs sont distribués
régulièrement (figure 3). Les bornes
des quatre classes de risque choisies sont les suivantes : 32, 60, 92.
Une représentation cartographique, selon ces classes, peut alors
être réalisée (figure 4).
L'effet de la hiérarchie des facteurs peut être décrit
(Tableau 2) : seul le premier facteur de risque
peut à lui seul avoir une effet primordial sur la classe de risque
finale. Les autres facteurs ne peuvent à eux seuls placer une parcelle
dans une classe maximale de risque. C'est alors la combinaison des facteurs
qui joue. Les tableaux 2 et 3 illustrent bien que cet effet souhaitée
par l'utilisation de la méthode SIRIS vis à vis de la combinaison
des facteurs.
Le rang SIRIS a été calculé pour quelques parcelles
se trouvant dans des situations types dans le bassin versant (tableau
3). Il permet de vérifier la vraisemblance des classements obtenus.
Les parcelles qui sont dans la classe de risque le plus élevé (rang SIRIS supérieur à 92) sont les suivantes :
61. Adéquation des données aux processus de contamination des eaux
D'autres facteurs n'ont pu être retenus ici faute de données
à résolution spatiale suffisante pour fournir une information
spatialement distribuée, voire parcellaire. C'est le cas des facteurs
pédologiques. Il s'agit en particulier de la teneur en matière
organique, de l'indice de battance (Aurousseau et al., 1996) et de la profondeur
des sols qui jouent respectivement sur la rétention des molécules,
le ruissellement hortonien et le ruissellement par saturation.
C'est aussi le cas des caractéristiques climatiques qui peuvent varier notablement sur des bassins versants d'ordre 3 ou 4. Il s'agit par exemple de l'intensité pluviométrique et du cumul pluviométrique (Aurousseau et al., 1996) qui modifient l'occurence du ruissellement hortonien et du ruissellement par saturation. Il s'agit aussi de la durée moyenne entre la date d'application des molécules et la première pluie, facteur souvent cité dans la bibliographie et qui peut être traduit par un critère tel que la fréquence des pluies d'importance supérieure à un seuil donné, facteur qui peut lui aussi varier notablement à ces échelles. Leur introduction dans le formalisme SIRIS pourrait être envisagée si des données étaient disponibles.
Enfin, la hiérarchie des facteurs, et implicitement, celle des processus de transfert, est liée aux caractéristiques des molécules, et notamment de leur solubilité. Par exemple les écoulements de surface et de subsurface concerne surtout les molécules les plus solubles telle que l'atrazine alors que le ruissellement concentré par rigoles ou ravines concernera un panel plus large de molécules. Là aussi le modèle pourrait être élargi en hiérarchisant au plus près les risques en fonctions des caractéristiques des molécules et des processus hydrologiques associés.
62. Intérêt et limite du modèle d'estimation
d'un risque parcellaire
La démarche présentée ici se limite à une évaluation
spatiale pour des processus qui se déploient en fait dans l'espace
et le temps. Les apports de pesticides en agriculture se font selon un
calendrier agricole assez bien connu. Les herbicides du maïs sont
apportés entre une et trois fois, entre le début mai, en
pré-levée, et fin juin, en rattrapage au stade 6-8 feuilles,
alors que les traitements sur blé se font plus fréquemment
mais essentiellement durant la période hivernale. De même,
le ruissellement hortonien concerne la période printemps-été
en relation avec une occurrence d'averses de forte intensité et
des cultures de maïs encore peu couvrantes, alors que le ruissellement
par saturation, les écoulements de subsurface, les écoulements
liés au drainage agricole concernent surtout la reprise des écoulements
en automne et en hiver.
Les facteurs retenus ici traduisent essentiellement des risques de contamination
des eaux par les désherbant du maïs dus à des écoulements
rapides dans la période proche des traitements. On pourrait s'attacher
à traiter d'autres cas comme celui de la contamination des eaux
par les herbicides du blé en période hivernale. Cependant
l'établissement d'un modèle dynamique, donnant une évaluation
du risque à la fois en terme d'exposition et d'effet, intégré
sur une période de temps donnée est encore éloignée.
En effet, cette extension nécessiterait de prendre en compte de
façon explicite les variations des quantités disponibles,
et donc les processus de dégradation et de rétention, ce
qui alourdirait considérablement la démarche et requièrerait
sans doute d'autres choix méthodologiques.
La transposition de ce modèle à d'autres contextes géographiques,
tant physiques qu'agronomiques, passe par une reformulation du modèle,
en terme de choix et de hiérarchie des facteurs, de choix des classes.
Cette reformulation, une fois réalisée, est par contre facile
à mettre en oeuvre informatiquement dans le cadre de la méthode
SIRIS. La transposition est techniquement simple à condition de
disposer d'un diagnostic fiable des facteurs de risque. Cette démarche
s'apparente à une démarche d'expert formalisée dans
un modèle de structuration et de spatialisation des facteurs de
risque. Dans l'état actuel, la validation expérimentale par
des mesures de contamination des eaux s'avère difficile compte tenu
du coût, de la variabilité spatiale et temporelle des concentrations
en pesticides dans les eaux à l'échelle des bassins versants.
Les données obtenues à ces échelles confortent cependant
la hiérarchie des premiers facteurs retenus dans le contexte de
l'étude tels que l'importance de la surface en maïs, la distance
de la sol au ruisseau ou l'existence d'un drainage agricole (Gillet et
al., 1995).
Cette démarche peut être envisagée à d'autres échelles. A l'échelle du bassin versant, elle permet, comme on l'a vu, de localiser les domaines géographiques les plus sensibles aux risques d'écoulements rapides et donc de contamination des eaux. Il s'agit alors d'identifier les secteurs géographiques où des actions prioritaires doivent être mise en oeuvre pour limiter cette contamination. A l'échelle de l'exploitation, la distribution statistique des évaluations parcellaires, leur répartition géographique peut permettre à la fois de faire un diagnostic des contraintes physiques qui pèsent sur l'exploitation en relation avec le système de production et de culture. A l'échelle de la parcelle, ce diagnostic doit conduire à une adaptation raisonnée de l'assolement et des itinéraires techniques en fonction d'une estimation du risque parcellaire. Les outils mis en oeuvre actuellement dans cette démarche répondent bien à l'objectif de diagnostic des secteurs à risque sur des bassins versants pilotes, démarche qui est actuellement mise en oeuvre sur quelques bassins versants représentatifs de la Bretagne. Ce sont des outils qui requièrent encore des moyens sophistiqués (station de travail, environnement Unix). La mise en oeuvre de cette démarche requière des outils plus conviviaux déployés sur des supports courants (PC). Elle est en fait possible, la principale difficulté étant du côté de la disponibilité des bases de données géographiques, MNT au pas de 20 mètres et données d'occupation du sol obtenues à partir d'images satellitaires.
Une approche de l'évaluation d'un risque parcellaire pour la contamination des eaux superficielles a été proposée ici. Elle repose sur un choix et un classement de facteurs, eux même traduits en critères qualitatifs ordonnés en terme de risque, et combinés selon la méthode SIRIS. Ces facteurs prennent essentiellement en compte la topographie, l'occupation du sol et les structures paysagères. Ils s'attachent ainsi à évaluer les risques d'écoulements rapides donnant lieu à des pics de concentration en pesticides dans les eaux superficielles dans la période suivant les traitements herbicides.
Cette méthode est ici développée dans le contexte hydropédologique et agricole de la Bretagne. Elle s'attache au cas particulier de la contamination des eaux par les désherbant du maïs. Elle est recommandée pour le classement des parcelles à risque sur les bassins versants de démonstration dans le programme Bretagne Eau Pure N°2. Elle a été présentée devant deux instances nationales : le Comité de Liaison et le Conseil de l'Information Géographique du Ministère de l'Agriculture. La simplicité de la méthode permet son adaptation à d'autres contextes moyennant une structuration adaptée de l'information.
Cette démarche vise à localiser les secteurs les plus
sensibles pour la contamination des eaux sur des bassins versants pilotes.
Il s'agit d'identifier les secteurs où des actions prioritaires
doivent être menées pour limiter ces contaminations. Cette
démarche pourrait aussi être développer, avec cependant
des outils plus conviviaux, pour discuter des modifications de l'assolement
ou des itinéraires techniques, en fonction des contraintes imposé
par le milieu physique à l'échelle de la parcelle et de l'exploitation
agricole.
Aurousseau P., Bouedo T., Squividant H. et Quidu O. 1997 - Serveur html
du Laboratoire de Spatialisation Numérique. http: //viviane.roazhon.inra.fr/spanum/index.htm
Aurousseau P., Squividant H., Baqué M.C. et Simon F., 1996 - Analyse
des facteurs de risque de transferts de pesticides dans les paysages. Etablissement
d'une hiérarchie de ces risques : application au calcul d'un indice
de risque par bassin versant et par parcelle. Rapport de contrat pour
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Tableau 1 : Les sept facteurs de risque retenus,
leur modalités et leur codification : D = très défavorable,
d = défavorable, m = moyennement défavorable, 0 = non défavorable.
Tableau 2 : Effet de la méthode SIRIS sur
le plus petit rang et le plus grand rang de risque, ainsi que sur la plus
petite et la plus grande classe finale de risque.
Tableau 3: Analyse de onze parcelles type : facteurs
de risque, rang SIRIS et classe finale de risque.
Tableau 4 : Liste des experts consultés pour
proposer une liste de facteurs de risque et une hiérarchie de ces
facteurs