10. Les 44 bassins versants RNB

Le réseau national de bassins (RNB) présente 44 bassins versants qui intéressent la région Bretagne. Ces bassins versants ont été identifiés cartographiquement et caractérisés sur le plan de leur charge polluante. Les résultats de ces traitements sont présentés dans la carte 21 et le tableau 9 (les bassins versants RNB).

Carte 21 : les bassins versants du RNB avec visualisation des bilans d'azote.
(Version carte 21 plus détaillée : légende, 31K)

Ces bassins versants ont fait l'objet d'un suivi de la concentration en nitrate à leur exutoire. Ce suivi a été réalisé depuis 1987. Une moyenne de ces teneurs en nitrate et une moyenne pondérée par les flux a été calculée par J. Abrassart (CEMAGREF Rennes). La moyenne pondérée par les flux est supérieure la plupart du temps à la moyenne simple. Ceci provient du fait que les concentrations en nitrate sont habituellement plus élevées en période de hautes eaux.

On constate d'abord qu'un certain nombre de bassins ont une moyenne pondérée supérieure à la concentration estimée par la méthode des bilans sur la base des statistiques agricoles. C'est le cas de 19 bassins versants :

  1. Pour six d'entre eux, une partie importante du bassin versant est hors Bretagne et nous ne disposons pas dans cette étude des bilans communaux hors Bretagne. Cette différence est alors simplement explicable. C'est le cas des bassins versants de l'Isac (13), du Don (16), du Semnon (18), de la Chère (20), de la Vilaine Amont (38) et de la Chère Amont (43). Ces six bassins versants sont présentés dans le tableau 10 (les bassins RNB éliminés du traitement pour la raison 1).
  2. Pour la Vilaine en aval de Rennes (5), on peut attribuer à l'agglomération l'excès de nitrate de 16 mg/l. Cette hypothèse peut aussi être avancée éventuellement pour l'Aulne (6) à l'aval de Chateaulin. Ces deux bassins versants sont présentés dans le tableau 11 (les bassins RNB éliminés du traitement pour la raison 2).
  3. Pour le bassin versant du Couesnon (tableau 12 Les bassins RNB éliminés du traitement pour la raison 3), nous ne disposons pas des mesures de concentrations et de flux à l'exutoire.
  4. Pour dix bassins versants la différence est sans doute explicable soit par une sous-estimation des apports d'origine agricole soit par une surestimation des exportations par les cultures. C'est le cas de la Laïta (9), de la Vilaine (10), de l'Aulne amont (17), du Léguer (22), du Scorff (24), de l'Odet (25), du Scorff Amont (31), de l'Aven (32), de l'Isole (37) et du Jarlot (41). On a déjà indiqué plus haut (6. les bilans globaux au niveau de la région) que nous estimons aujourd'hui que le bilan d'azote réalisé sur la base du Recensement de l'Agriculture 1988 conduit à une sous-estimation de ce bilan. Nous savons aussi que la part des apports due aux volailles est particulièrement sous-estimée. Ces dix bassins versants seraient des exemples de bassins versants où ces erreurs d'estimation auraient été réalisées. Ces dix bassins versants sont présentés dans le tableau 13 (les bassins RNB éliminés du traitement pour la raison 4).

Rappelons que nous appelons abattement la différence entre la concentration moyenne estimée à l'exutoire par la méthode des bilans et le flux mesuré calculé à partir de la concentration moyenne pondérée par les débits. On a calculé de même un abattement relatif qui est une expression du taux de diminution du flux en nitrate par rapport au flux estimé par la méthode des bilans. Il est du plus grand intérêt de connaître les paramètres qui interviennent sur cet abattement qui varie de 5 à 72% sur le sous ensemble de 25 bassins versants (tableau 14 les 25 bassins versants RNB sélectionnés pour la comparaison entre les flux de nitrate mesurés et les flux estimés à partir d'un bilan agronomique) où l'abattement est positif. En effet, cet abattement est une caractéristique de chaque sous bassin versant et il constitue un indicateur de son aptitude à l'auto-épuration.

On a souhaité mettre en évidence les facteurs du milieu naturel qui contribuent à l'abattement. Ces facteurs sont (J. Abrassart, travaux en cours) : la concentration théorique en azote à l'exutoire du bassin versant, l'importance des zones de pentes fortes dans le bassin, la pluie cumulée sur le bassin et la nature pétrographique du sous sol du bassin versant.

L'importance des zones de pentes fortes et la pluie cumulée contribuent négativement et faiblement à l'abattement (plus un bassin versant a des pentes fortes et reçoit des précipitations efficaces importantes moins son abattement est élevé). Ceci est le reflet de bassins versants où les phénomènes de ruissellement sont plus importants soit pour des raisons de pente ou de fortes précipitations. Sur les substrats granitiques et non schisteux, l'abattement est plus faible que dans les autres bassins versants. Ceci est le reflet d'une dénitrification moindre sur ces substrats géologiques.

Enfin l'abattement est d'autant plus élevé que le bilan théorique est fort. Pour les bassins versants qui ont une charge en azote relativement modérée (inférieure à 50 kg de N par hectare), le phénomène d'abattement est faible : inférieur à l'équivalent de 10 kg de N par hectare (figure 2).

Figure 2 : Evolution de l'abattement en fonction de la charge moyenne en azote calculée par la méthode des bilans

On peut donc dire que pour ces bassins versants tout se passe comme si les mécanismes producteurs d'azote (comme la minéralisation de la matière organique) et les mécanismes consommateurs d'azote (comme la volatilisation et la dénitrification) se compensaient. Par contre, pour les bassins versants où la charge en azote est élevée, l'abattement est fort, il augmente avec le niveau de charge (figure 2) ; on peut aussi dire que pour ces bassins versants à charge en azote élevée, l'abattement relatif est fort et qu'il augmente d'une façon moins que proportionnelle avec le niveau de charge (figure 3). Compte tenu du fait que l'abattement est très faible dans les bassins versants à charge en azote relativement modèrèe, nous emettons l'hypothèse que ce phénomène d'abattement est à attribuer principalement à la dénitrification.

Figure 3 : Evolution de l'abattement relatif en fonction de la charge moyenne en azote calculée par la méthode des bilans

On sait que les populations de micro-organismes qui assurent la dénitrification sont d'autant plus actives

  1. qu'elles sont dans un milieu riche en azote qui est leur substrat nutritif,
  2. que la température est élevée,
  3. que les conditions réductrices sont fortement marquées et
  4. que le sol est riche en substrat carbonné.

Avec les données dont nous avons disposé (un sous ensemble de 25 sous bassins versants extrait des 44 bassins du RNB), les tentatives de modélisation de l'abattement nous conduisent à la conclusion provisoire que l'abattement peut-être modélisé uniquement en prenant en compte la charge moyenne théorique en kg de N par hectare. La contribution des autres facteurs (pentes fortes, pluie cumulée, nature géologique du sous sol) n'est pas statistiquement significative. Nous avons pu réaliser une modélisation statistique sur ce jeu de 25 bassins versants RNB ; la modélisation statistique de cet abattement est assez satisfaisante : la figure 4 montre sur ce jeu de données l'écart entre le flux mesuré à l'exutoire de ces bassins et le flux estimé après prise en compte de l'abattement.

Figure 4 : Comparaison entre les résultats du modèle (carrés blancs) et les valeurs mesurées (carrés noirs)

Cette modélisation a ensuite été appliquée à l'ensemble du Modèle Numérique de Terrain de la Bretagne. Les résultats de cette modélisation sont fournis pour le découpage de la Bretagne en 94 bassins versants principaux (tableau 2). Les principaux résultats de cette modélisation sont en accord avec les données des bassins versants RNB qui ont servi à construire le modèle :

En conséquence, alors que le bilan d'azote était excédentaire, en 1988, de 94000 tonnes de N sur les 28460 km2 représentés par les 94 bassins versants de plus de 2000 hectares, les flux estimés vers la mer provenant de ces bassins versants sont estimés à environ 68000 tonnes de N soit 300000 tonnes de nitrates. Ceci signifie que dans les bassins versants fortement chargés qui sont l'objet d'une forte pollution par l'azote, il existe déjà des phénomènes d'abattement. Sans ces phénomènes d'abattement la pollution serait encore plus catastrophique. On peut estimer ainsi que dans le cas du Frémur, en absence de phénomènes d'abattement la charge moyenne en nitrates serait de l'ordre de 400 mg de nitrates par litre.

Par contre, il est indispensable d'attirer l'attention sur le phénomène suivant extrèmement important: compte tenu du caractère moins que proportionnel de l'abattement, une diminution de la charge en azote par moitié dans un bassin versant chargé ne se traduira pas par une division par deux du flux d'azote. Prenons l'exemple du bassin versant du Kerouallon (Loc-Eguiner Ploudiry) sous bassin versant de l'Elorn ; sur ce bassin versant, l'excès d'azote est estimé à 146 tonnes pour une surface de 600 hectares et le flux à l'exutoire est de l'ordre de 41 tonnes de N (travaux en cours du Cemagref), si la charge en azote était divisée par deux et représentait 73 tonnes, le flux d'azote sortant est estimé à 29 tonnes. On est donc amené à constater que dans ce cas une diminution de moitié de l'excédent d'azote ne se traduirait que par une diminution d'un tiers du flux d'azote à la sortie du bassin versant. Ce résultat de cette modélisation est extrèmement important à prendre en compte pour éviter de se méprendre sur la portée exacte des mesures qui seraient prises visant à améliorer les bilans d'azote.


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